Bonjour à tous,
Le texte illustré ci-dessous regroupe quelques chroniques et anecdotes que j'ai personnellement vécu durant l'âge d'or de la micro-informatique 8/16 bits.
Je pense que beaucoup ayant connu cette période, s'y retrouveront...
Bonne lecture !
D’aussi loin que je me souvienne, je ne pense pas me tromper en affirmant que mes premiers émois dans le monde de la micro-informatique ont été provoqués par des ambitions qui ne partageaient pas vraiment les intentions les plus nobles. A cette époque, j’étais un jeune garçon de 10 ans qui se passionnait pour l’espace et s’émerveillait devant la technologie. Autant dire que Space Invaders rassemblait, à lui seul, tous les critères susceptibles d’attiser mon admiration profonde. Bref, ce soir-là j’avais décroché l’autorisation exceptionnelle de passer la nuit chez mon grand frère et je m’en réjouissais d’avance. Une fois arrivé dans l’appartement, je découvrais au centre du salon une étrange machine délicatement disposée sur la table-basse de rigueur. Sur sa façade, 4 lettres énigmatiques formaient le mot Oric. A coté, un carton gorgé de K7 déposées pêle-mêle attendait d’être renversé. Conscient de l’opportunité unique que représentait pour moi cette situation, le frangin, complice, me laissait en tête à tête avec le clavier. Par un Cload tapé à grande hâte, je lançais mon premier jeu : Le mystère du Kikekankoi. Ce fut le déclic. Je passais bien évidement la nuit entière à jouer, mais surtout à tenter de déchiffrer le manuel du BASIC afin de saisir toutes les subtilités d’un langage obscure dans le seul but, inavouable, de trouver le moyen de dupliquer le jeu. La nuit fut courte et mes investigations finalement vaines. Penser qu’il aurait seulement fallu que je loue les services d’un lecteur double K7 pour arriver à mes fins de pirate en herbe, me fait aujourd’hui sourire...
A une époque où le célèbre Discology réussissait la prouesse de démocratiser le bidouillage sur Amstrad CPC, j’avais pour habitude d’explorer en profondeur le contenu de mes disquettes. Passant minutieusement en revue chaque octet de chaque secteur de chaque piste grâce au puissant éditeur de l’utilitaire, je traquais dans une jungle de codes informatique, la moindre chaine de caractères alphanumériques intelligible ou susceptible de présenter un intérêt quelconque. Cette pratique, lorsqu’elle ne me servait pas à traduire un jeu, me permettais parfois de dénicher les commentaires dissimulés par les programmeurs dans leur soft. Un beau jour, alors que je parcourais nonchalamment les pistes de la disquette de Skate Ball, mon attention fut attirée par 4 lettres formant le mot TIXY. Sans grande conviction, j’exécutais le jeu et appuyais simultanément sur les 4 touches du clavier correspondantes, ce qui eu pour conséquence de déclencher le cheat-mode ! J’avoue qu’à cet instant j’étais plutôt fier de ma trouvaille car aucun magazine n’avait encore publié cette astuce dans ses pages. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard, Internet aidant, que je découvrais enfin son origine et sa légitimité : TIXY the witch était en fait le pseudonyme que s’était donné le programmeur du jeu, Jon Menzies.
Timidement introduit sur micro par la série des Déjà vu puis rendu populaire avec l’incontournable Maniac Mansion, le Point’n Click est un genre qui, à l’aube des années 90, règne en maitre sur les territoires du jeu d’aventure. Il faut dire que depuis son apparition en 1986, le concept n’a cessé de gagner en ergonomie et en esthétique, jusqu’à devenir un véritable standard du jeu vidéo. Et ce ne sont pas les Voyageurs du temps, Operation Stealth et autres Monkey Island qui prouveront le contraire. En cette année 1992 un jeu d’aventure en particulier retient ainsi toute mon attention, le fabuleux Bargon Attack. Et pour braver sa difficulté, nous décidons, un ami et moi, d’y jouer de concert tout un mercredi après-midi. Chacun chez sois, souris en main et tous deux prêts à en découdre avec les aliens, nous nourrissions l’espoir de parvenir à bout du jeu grâce à nos efforts unis. Pour arriver à nos fins, nous avions instauré un système d’entre-aide téléphonique, l’un appelant l’autre dès qu’il trouvait une infime partie de la solution. Rappelons qu’à l’époque, Internet n’existait pas. Autant dire que France Telecom a gagné quelques Francs ce jour-là. Au-delà de l’aventure, une certaine compétition s’était d’ailleurs installée entre nous, et je me souviendrais toujours de la rage du copain lorsque, de quelques secondes seulement, je décrochais le premier le téléphone pour lui annoncer que j’avais fini le jeu avant lui.
Plus le progrès avance, plus nos machines de jeux se perfectionnent techniquement, c’est un fait. Leurs composants se miniaturisent, leurs fonctions se démultiplient et leurs possibilités sont toujours plus accrues à chaque génération. Le support de stockage en est d’ailleurs un bon exemple : tout d’abord cartouches sur les toutes premières consoles, il s’est transformé en CD-Rom, puis DVD-Rom pour enfin devenir Blu-Ray sur Playstation 3. Mais si ces supports offrent des capacités de stockage toujours plus étendues, on ne peut pas dire que leur solidité ait subit une évolution équivalente. En effet, alors qu’une cartouche NES encaissera sans problème un vol plané dans le salon, le DVD-Rom quand à lui deviendra illisible à la moindre micro-rayure mal placée. Cette petite réflexion ravive en moi une petite anecdote… L’histoire se déroule à l’aube des années 90. Je suis dans ma chambre, alité, car une grippe assez violente me terrasse. A cette époque, je vis encore chez mes parents qui sont aux petits soins pour me faciliter le passage de cette « douloureuse » épreuve. Mais une semaine allongé, sans rien faire, c’est long… très long… voir même carrément frustrant lorsqu’on a un Amiga 500 qui dort à quelques mètres et qui ne demanderait qu’à être allumé pour occuper ces longues journées ! C’est ainsi que dans leur grande bonté, mes parents décident d’installer une table de camping près de mon lit afin d’y déposer mon Amiga. La couleur crème du clavier de la machine se mariait d’ailleurs de façon plutôt étrange avec le jaune kitch de la table toute droite sortie des années 80. Mais qu’importent les considérations d’ordre esthétique, l’important était bien là : je pouvais enfin jouer à loisir. A cette période, je me souviens que deux jeux me tenaient en haleine : Bargon Attack et Stunt Car Racer. Si Bargon Attack, en bon jeu d’aventure, privilégie la réflexion et la patience, Stunt Car Racer, a contrario, demande d’excellents et vigoureux réflexes. Afin d’activer ma guérison, le médecin avait prescrit un traitement assez agressif que je devais accompagner de nombreuses et régulières inhalations au cours de la journée. Bien qu’apaisantes et relaxantes, je les redoutais car elles étaient synonymes de l’arrêt net de ma partie en cours. Alors pour éviter ce désagrément, je décide de coincer l’inhalateur bouillant entre mes deux avant-bras afin de pouvoir continuer à tenir la manette dans mes mains. Ce petit stratagème se révèle finalement plutôt efficace malgré ma vision légèrement déformée par la fumée qui s’échappent et les larmes de crocodiles qui ruissellent sous mes yeux. Et ce qui devait arriver, arriva. En pleine partie de Stunt Car Racer, par un geste frénétique et maladroit, l’inhalateur rempli à ras s’ouvre et la solution à l’eucalyptus bouillante qu’il renferme se déverse et se répand totalement sur l’Amiga en fonctionnement ! Horreur ! Ni une ni deux, je saute de mon lit et arrache la prise murale pour éviter le court-circuit. Tout penaud, j’averti mes parents qui m’aident alors à vider le liquide qui s’est infiltré dans la coque de l’Amiga, au-dessus de la baignoire… un grand moment de solitude et de désespoir m’envahit pendant que les dernières gouttes s’échappent du lecteur de disquettes. Je décide ensuite, la mort dans l’âme, de laisser sécher la machine toute la nuit, priant un hypothétique Dieu Commodore d’épargner mon micro-ordinateur d’une fin certaine. Le lendemain, c’est peu fier que je tente l'opération risquée de rallumer la bête. Et avec un étonnement qui n’a eu d’égale que ma joie, je constate qu’il fonctionne toujours… A la différence près qu'au bout de quelques minutes d'utilisation une agréable odeur d'eucalyptus se dégage de mon clavier ! Je venais, sans le vouloir, mais avec succès, d’éprouver l’étanchéité et la robustesse de l’Amiga 500. Au regard de la fragilité du matériel actuel, je doute qu’une telle mésaventure connaisse aujourd’hui un dénouement aussi heureux…
A une époque où la personnalisation et la customisation est un concept quasi inexistant dans le jeu vidéo, quoi de plus amusant alors que de parvenir à en modifier tout de même certains aspects, surtout lorsque ce n’est pas prévu à l’origine ! C’est une expérience pour le moins désopilante que j’ai vécue avec le célèbre Worms sur Amiga. En scrutant la disquette, j’avais remarqué que tous les bruitages du jeu y étaient stockés individuellement sous la forme de petits fichiers audio non protégés. Substituer ses propres sons aux originaux devenait alors un véritable jeu d’enfant, du moment que l’on respectait bien la nomenclature originale de chaque fichiers. Je me suis alors rendu chez un ami DJ qui possédait l’échantillonneur adéquat pour générer et intégrer de nouveaux bruitages à Worms. Si, au début nous étions très concentrés sur notre tâche, la situation à très rapidement tournée à la franche rigolade. Il faut dire qu’entendre un vers de terre hurler de sa voix chétive « Aïe mes pieds ! », « retourne chez ta mère manger du flan ! », et tout un tas d’autres interjections de plus ou moins bon gout, est une circonstance qui n’incite définitivement pas à garder son sérieux. Par la suite, de nombreux pack de bruitages également créés pas des amateurs ont vu le jour sur Aminet.
Je me souviendrais toujours de cette veille de Noël 1988 qui m’a fait vivre l’un des instants les plus magiques de ma vie de gamer. A cette époque, je surveillais avec une impatience non dissimulée la sortie de Target Renegade. Il faut dire que le premier opus m’avait déjà tenu en haleine de longues heures durant devant mon Amstrad CPC. Pour Noël, j’avais donc demandé à mes parents de m’offrir la compilation Le Défis de TAITO qui, en plus de contenir le fameux Beat’em up, avait l’avantage de renfermer 5 autres grands succès de l’arcade. Si mon excitation grandissait à mesure que les fêtes de fin d’année s’approchaient, le facteur ne se s’était cependant toujours pas manifesté à la porte... Ma mère, qui avait passé commande chez La Redoute commençait à s’inquiéter. Vint alors le matin du 24 décembre, date à laquelle nous avions pour coutume de rassembler la famille pour s’échanger nos présents un autour d’un bon repas. Résigné, je quittais ma chambre en direction du salon, lutant pour ne pas montrer ma déception, lorsque, tout à coup, une sonnette retenti : à 10h précise, un commis en uniforme me livrait mon paquet ! Parfois, la magie de Noël opère...
Ce jour-là, j’étais rentré à la hâte dans ce petit appartement du premier étage que louaient mes parents au 7 de la rue Saint-Just. Parfaitement imbriqué comme un bloc de Tetris entre la voie ferrée et la boulangerie, l’immeuble n’avait pas d’ascenseur, mais je crois que jamais je n’avais gravi les escaliers avec autant d’ardeur et d’empressement. Il faut dire que je revenais tout juste de chez le revendeur informatique du quartier avec un Amiga sous le bras qu’il me tardait de brancher. Rapidement déballé et installé au cœur du salon en bois rustique, le monstre de technologie de Commodore affichait alors ses premiers pixels sur l’écran vieillissant de la TV familiale, un moment inoubliable renforcé par le charme exotique du contraste anachronique qui émanait de l’ensemble. Tout prévoyant que j’étais, je m’étais bien évidement déjà procuré une boite de ce que nous appellerons « copies de sauvegardes » et dans laquelle je piochais frénétiquement un premier jeu. Le hasard a voulu que ma main hésitante s’arrête sur la disquette de Red Heat. Et tandis que l’image de présentation du jeu s’affichait sur l’écran cathodique de 56 cm, mon père pénétrait discrètement dans la pièce et me lançait : « Tu as mis un film de Schwarzenegger à la télé ? ». Moi qui cherchais un micro capable de photoréalisme, je venais d’être brutalement conforté dans mon choix par mon père, même si c’était finalement bien malgré lui.
Destiné à une carrière scientifique dont la spécialité m’avait contraint de suivre un enseignement situé à plus de 200Km du cocon familiale, j’apprenais à me familiariser avec les joies de l’internat. Plantée au beau milieu des montagnes enneigées de la Haute-Savoie, l’établissement scolaire se voulait une véritable mosaïque d’élèves issus des 4 coins de l’hexagone. A cette époque, la guéguerre Amiga/Atari ST faisait rage. C’est dans ce contexte particulier que j’ai fait la connaissance de Jean-François, un Nantais chevelu, filiforme, hard-rocker à ses heures et fermement rallié à la cause Atari ST. Toujours enclin a évangéliser le sauvage qui se présente, je le conviais a passer un week-end entier chez moi, m’investissant de la mission de lui prouver que mon Amiga était bien supérieur à son Atari. Le rendez-vous fut pris rapidement. Pour l’occasion, j’avais préparé une petite sélection des plus grands hits de la machine et je comptais bien emmener le jeune incrédule d’émerveillement en émerveillement. Afin d’y aller crescendo, j’insérais tout d’abord la disquette de Moonstone dans le lecteur, il était aux environs de 14h. Lorsque j’éjectais enfin le média magnétique la nuit était tombée : nous avions passé tout notre temps à jouer à ce seul jeu ! Le lendemain ne connu d’ailleurs pas d’autre sort. Au final, nous avons passé le week-end entier sur Moonstone. Mais j’avais tout de même accompli ma mission : avec un jeu seulement, j’avais convaincu le jeune Atariste du bienfondé de mes affirmations au sujet de la supériorité de l’Amiga. Je n’ose alors imaginer la hauteur de son ébahissement si j’avais enchainé avec un Shadow of the Beast, un Turrican ou encore un Agony…
Bien qu’âgé de 12 ans seulement à l’époque où j’ai reçu mon VG5000 Philips, je me retrouvais seul à la maison. Mon frère et ma sœur ainés ayant quitté le nid familial depuis quelques années déjà, je cherchais désespérément en mon père un partenaire de jeu. Il faisait souvent l’effort de s’intéresser à l’exercice après mes interminables supplications, mais cela ne jurais jamais assez longtemps à mes yeux. Le pauvre, il faut dire qu’en plus de ne lui octroyer que peu de temps libre, son labeur d’ouvrier l’harassait littéralement. Il y avait cependant un jeu qui me permettait de retenir son attention de longues heures durant. Il s’agissait du Fou Volant, une simulation de bataille aérienne où il fallait traquer et abattre les avions ennemis qui passaient devant le viseur. Le jeu était rudimentaire et il fallait faire preuve d’une sacrée dose d’imagination, mais le fait est que cela fonctionnait ! Depuis, Le Fou Volant représente pour moi les moments de complicité avec mon père les plus inoubliables.
A cette époque, le monde vidéoludique répartissait ses adeptes en deux catégories distinctes de joueurs : les possesseurs de microordinateurs et les possesseurs de consoles. Les premiers avançaient surtout les possibilités illimitées en termes de créativité que leur offrait l’ordinateur, une opportunité qui était généralement mis en concurrence avec la convivialité des produits sur consoles par les deuxièmes. Bref, c’était la guéguerre… une de plus ! Avec mon Amiga j’étais un peu le vilain petit canard de ma bande de copains qui ne juraient que par leur Super Nintendo ou leur Mega Drive. Le reproche récurent était que sur un ordinateur, les jeux n’étaient pas assez fun car très rarement pensés pour être pratiqués à deux simultanément, contrairement aux consoles. Alors un beau jour, j’ai invité 4 amis consoleux à venir jouer chez moi en leur expliquant que ce serait simultanément. Aucun ne m’avait cru. Quelle ne fut pas leur étonnement lorsqu’après avoir branché un démultiplicateur de ports manettes, je lançais une partie de Dyna Blaster (le Bomberman de l’Amiga) à 5 joueurs simultanément ! L’après-midi s’est alors transformé en un déluge d’explosions et de franches rigolages. Depuis ce jour, ma fabuleuse machine avait enfin acquit la considération de mes amis consoleux. Merci Dyna Blaster !
Émoustillé par le moindre pixel à vocation érotique, je vouais une admiration toute particulière pour Teenage Queen. Il faut dire que ce strip-poker avait la particularité de s’affranchir de toute vulgarité grâce à ses superbes illustrations typées BD et exécutées avec talent et bon gout. Pour effeuiller la belle j’enchainais donc les parties sans relâche, mais hélas, je perdais inévitablement avant les ultimes étapes, me laissant à chaque fois dans un état de frustration extrême. C’est alors que j’ai eu l’idée de sonder la disquette dans le but d’y dénicher les images. Ma quête fut très rapidement récompensée puisque chaque image était bien présente sous la forme d’un fichier individuel ! Certainement cryptés et compressés, ces fichiers n’étaient cependant pas exploitables. J’ai alors tout simplement essayé d’intervertir leurs noms sur la disquette de manière à ce que la dernière illustration s’affiche en premier. L’astuce fonctionna à merveille… Mais tandis que je m’attendais à pouvoir enfin admirer les formes dénudées de mon adversaire de charme, quel ne fut pas mon ahurissement en découvrant un androïde s’arrachant jusqu’à la peau ! C’est ce que l’on appelle du striptease intégral !
Il y avait quelque chose d’envoutant et de pénétrant dans cette console que je ne m’expliquais pas. Rehaussée par un fond d’une noirceur insondable, la lumière monochrome clinquante, presque aveuglante, qui s’échappait de ses graphismes vectoriels fantomatiques engendrait une atmosphère sidérale dans le salon volontairement plongé dans la pénombre de mes parents. Cette machine obscure, qui portait le nom mystérieux, quasi ésotérique, de Vectrex, mon grand frère, de 14 ans mon ainé, me l’avait prêté pour quelques semaines afin que je puisse me divertir. Pour moi, qui n’avais alors connu que les consoles Pong, le prodige technologique qui se jouait devant mes yeux tenait de la magie, voire de la sorcellerie. La console était accompagnée d’une demi-douzaine de jeux que je pratiquais tour à tour et de manière quasi ininterrompue durant les jours qui suivirent. Cependant, malgré tout l’amusement que j’en retirais, au bout de quelques temps passés à permuter toujours les 6 mêmes cartouches, la sensation d’avoir fait le tour de chaque jeu se fit fatalement et cruellement ressentir. Alors pour décupler leur durée de vie, j’avais trouvé une petite astuce qui consistait simplement à intervertir les overlays, ces calques plastiques transparents sur lesquels était imprimé le décor et dont la juxtaposition avec l’écran créait l’illusion de graphismes complexes et colorés. Les combinaisons étaient nombreuses, 36 pour être exact, engendrant autant de déclinaisons visuelles possibles d’un même jeu. Je me souviens tout particulièrement d’Asteroids que je mariais à toutes les sauces. C’était en 1983, j’avais à peine 12 ans, et à chaque substitution d’overlay j’avais la sensation de découvrir un nouveau jeu : une façon de démultiplier la logithèque à moindre frais.
Lorsque j’étais au lycée, j’avais pour habitude d’inviter quelques camarades à venir s’amuser le mercredi après-midi autour d’un bon jeu vidéo. En détenteur privilégié d’un superbe Amiga 500, j’étais toujours très heureux de faire découvrir les dernières nouveautés à mes amis qui n’avaient pas toujours la chance de posséder d’ordinateur ou de console. Ce jour-là, nous avions décidé de jeter notre dévolu sur Internaltional Karaté Plus (IK+ pour les intimes), un jeu de combat versus capable de supporter jusqu’à 3 concurrents simultanément à l’écran, un apanage séduisant doublé d’une réelle prouesse technique pour l’époque. Ne possédant qu’un seul joystick, il fallait donc que le second joueur humain exploite le clavier pour se mouvoir. Ainsi, tout se passait à merveille jusqu’à ce que dans son empressement, le doigt fébrile dudit joueur dérapa pour finir sa course sur la touche « T » du clavier, déclenchant par la même occasion une animation cocasse montrant les sprites hébétés des karatékas avec leurs pantalons baissés jusqu’au mollet : nous venions tout simplement de trouver de façon totalement fortuite, le bonus secret du jeu. Est-il maintenant réellement nécessaire de préciser que ce qui aurait dû être un championnat d’art martial humble et vertueux s’est immédiatement transformé en une joyeuse et improbable chorégraphie de karatékas exhibitionnistes qui a duré toute l’après-midi ?
Les modestes capacités sonores de mon Amstrad CPC6128 faisaient pale figure à côté des somptueuses mélodies que distillait l’Amiga. Mais à l’époque, même si j’économisais secrètement pour m’offrir un jour le monstre 16 bit de Commodore, je dois avouer que je m’accommodais assez bien des musiques quelque peu nasillardes de ma vaillante petite machine 8 bit. Un jour pourtant, sur les conseils d’un ami, je décidais de relier mon Amstrad à un ampli et une paire de haut-parleurs puissants, histoire de voir, ou plutôt d’écouter, ce dont était réellement capable sa puce sonore. Sans grande conviction, je lançais Le Manoir de Mortevielle et montais le volume de quelques décibels. Quelle ne fut pas ma surprise à l’écoute de la musique d’introduction du célèbre jeu d’aventure : des sons insoupçonnés, jusqu’alors inaudibles, parvenaient désormais très distinctement à mes tympans ! Et quels sons mes amis ! J’entendais à présent très clairement la voix d’un chanteur à une fréquence si basse que le petit buzzer de l’Amstrad n’était jamais parvenu à la restituer. Autant dire que j’ai passé le restant de la journée à passer en revue toutes mes disquettes afin de redécouvrir les musiques des jeux qu’elles contenaient.
Lorsqu’on a 17 ans, les vacances à la campagne deviennent très vite rébarbatives et ennuyeuses, surtout lorsqu’on est seul et que pour toute distraction, s’étendent prés et forêts à perte de vue. Mais cette année-là, j’avais prévu le coup en emportant avec moi mon Amiga 500. Cela n’avait pas été facile de convaincre mes parents, d’autant plus que la place était une denrée rare dans le coffre étroit et gorgés de bagages de la 104 Peugeot. Mais à force d’insistance, j’étais tout de même parvenu à mes fins, non sans grands renforts d’arguments sur le fait que je serais raisonnable et profiterais aussi du grand air. A peine arrivé dans la petite maison rurale que l’on louait chaque année en été, je déballais et branchais l’ordinateur, ce qui me valut un rappel à l’ordre immédiat : « Tu ne vas tout de même pas t’enfermer dès le premier jour ? Profites un peu du beau temps et de la nature ! ». Qu’à cela ne tienne, par l’intermédiaire d’une rallonge électrique, je déplaçais ma machine jusqu’au milieu du pré attenant où je m’installais confortablement sur une table de camping de fortune. Sous le regard hébété des vaches qui m’entouraient, j’enchainais les parties de Midnight Resistance sous un soleil de plomb, les orteils effleurant délicatement l’herbe grasse et généreuse de la Haute-Loire. Le bruit tonitruant de mon fusil-laser retentissait alentour, brisant la quiétude ambiante. La scène qui se jouait avait certes quelque chose de surnaturel et anachronique, mais l’important était que j’avais tout de même réussi le défi de concilier mes désirs et ceux de mes parents bienveillants.
A cette époque-là, je prenais le tram tous les matins pour me rendre au lycée. J’avais rendez-vous avec Hervé, un camarade de classe qui me racontait ses fabuleuses aventures de la veille sur Dungeon Master durant tout le trajet. Je concevais que passer la soirée sur l’Atari ST de son oncle était pour lui une activité beaucoup plus captivante que de procéder à des révisions rébarbatives. La passion qui l’animait dans ses récits laissait entrevoir une expérience épique remplie de monstres fantastiques et autres concoctions de sortilèges enchantés qui me faisait rêver, en plus de me faire vivre le jeu par procuration. Je me souviendrais toujours de ce jour de fin d’année scolaire où, tout excité, il m’annonçait qu’il avait enfin réussi à finir le jeu. Par contre, quelques jours plus tard se déroulait l’épreuve du BAC et, de nous deux, j’étais celui qui la réussissait.
Nous sommes en 1995. L’Amiga est sur le déclin et mon frère est depuis longtemps passé chez l’ennemi avec son Pentium 2. Les atouts du micro de Commodore qui avaient fait briller ses yeux jadis ne sont à présent que de vagues souvenirs qui s’estompent à grande vitesse face aux capacités racoleuses de son compatible PC. L’ingrat ! Quant à moi, en irréductible gaulois, je ne jure que par mon Amiga 1200 surgonflé, ce qui me vaut les railleries ponctuelles du frangin. Las de cette situation désavantageuse, je fomente un petit stratagème afin de lui clouer le bec une bonne fois pour toute. Grace au lecteur de CD-Rom de l’Amiga, je récupère l’image de boot d’un jeu Playstation. Par l’intermédiaire d’un échantillonneur sonore (TechnoSound Turbo 2), je numérise le jingle de lancement de la console de Sony. Après quelques lignes de codes saisies directement dans la Startup-Sequence (L’autoexec.bat de l’Amiga) destinées à synchroniser l’ensemble, mon émulateur Playstation factice, mais criant de réalisme, est fin prêt et il ne tient que sur une disquette ! Je revois encore la tête décomposée de mon frère, bouche bée devant la supercherie et demandant : « Ça existe sur PC ? » et moi de lui répondre : « Désolé, ça ne tourne que sur Amiga car lui seul en est capable. ». Et toc !
Les jeux vidéo ont toujours été une part importante de ma vie, jusqu’à en façonner certaines de ses facettes les plus intimes. Je me souviens qu’à l’approche la majorité, j’étais en pleine recherche de style pour ma signature. Il faut dire qu’à cette période précise de la vie, la quête d’identité se fait plus pressante. Je voulais une griffe qui soit aussi efficace qu’esthétique. Hélas, aucun des innombrables essais que j’avais griffonné sur le papier ne me satisfaisait. Dépité sur le moment, c’est en allumant mon Amiga, histoire de me changer les idées, que se fit contre toute attente la révélation. Fondu discrètement dans le décor du superbe écran de présentation d’Agony, m’attendait depuis toujours le Saint Graal. Elancée, racée et dynamique, la signature du talentueux graphiste Franck Sauer répondait à tous mes critères. Ni une ni deux, je saisissais mon stylo et en devenais le faussaire, adaptant tant bien que mal mon propre nom dans le paraphe. Aujourd’hui, même si elle a définitivement évoluée, ma signature conserve encore quelques traits empruntés à celle d’Agony.
Dwarf sur Amstrad CPC était un jeu qui me rendait malade, mais au sens propre du terme. Nausées, maux de tête, étourdissements et écœurement : les symptômes étaient systématiques dès les premières minutes de jeu, ce qui fait que je n’ai jamais été très loin dans l’aventure. Pourtant absolument rien ne justifiait cette réaction. Le plus étrange, c’est que poussé par la curiosité 25 ans plus tard, j’ai ressenti comme un profond mal-être en le relançant sous émulation. Réflexe conditionné, réelle interaction ou ensorcellement… le fait est que le phénomène demeure toujours inexplicable.
Unreal est un jeu fantastique qui a laissé une empreinte indélébile dans ma vie et ma mémoire. Sorte de vitrine technologique de l’Amiga, son atmosphère pénétrante et envoutante n’a cessé de me hanter au fil des années. A tel point que son magistrale thème d’ouverture endosse depuis toujours le rôle de sonnerie principale de mon téléphone portable.
L’informatique ludique n’en était qu’à ses balbutiements lorsque mes parents m’offrirent le jeu électronique Pac-Man. Reçu pour Noël, le superbe petit table-top portatif baptisé "Hungry Pac II" avait des allures de mini borne d’arcade en robe blanche. Inutile de préciser que l’arrivée de ce super jouet allait rythmer mes journées dont le planning consisterait désormais à arpenter sans relâche les labyrinthes vectoriels lumineux du jeu. Hélas, très certainement émoussé par l’usage trop intensif que j’en faisais, le petit joystick intégré finissait par se rompre à la base après un mois d’utilisation seulement. Quelle déveine et, surtout, quelle catastrophe ! L’appareil jouissant toujours de sa garantie, il fut renvoyé en réparation. Chaque jour qui suivit, je guettais le facteur, mais il venait toujours les mains vides. Les semaines s’écoulaient lentement, laissant place au mois sans que ne me soit rendu mon fabuleux jouet. Le désespoir m’envahissait lorsqu’un beau matin enfin, la poste livra un petit paquet dans lequel je retrouvais ma console qui n’avait visiblement pas été réparée, le joystick endommagé et un mot d’excuse du revendeur qui expliquait que le fabriquant ne prenait pas en charge ce genre de réparation… Mon père, dont les talents de bricoleur n’égalaient pas ceux de MacGyver mais qui ne supportait pas de lire la tristesse dans les yeux de son fils, eu alors l’idée lumineuse de remplacer le manche brisé par un gros vis. Je ne lui ai jamais révélé que son filetage incisif me laissait des stigmates de longues heures après une partie.
La toute première image de présentation qui m’ait à jamais marqué est sans conteste celle de Mandragore sur Thomson MO5. Ce jour-là, Yanne, mon ami d’enfance, était venu me rendre visite avec son nouveau micro sous le bras. Et pour moi qui n’avait alors qu’un petit VG5000 peinant à afficher le moindre sprite, une telle image en 5 couleurs affichée de manière aussi fine relevait du véritable prodige. Plus tard, lorsque j’ai eu mon Amstrad, j’ai remué ciel et terre afin de me procurer la version CPC du jeu et pouvoir à nouveau contempler ce magnifique écran. Mais la technologie avait entre-temps évolué et la composition qui m’avait émerveillé quelques années plus tôt me paraissait à présent bien désuète au regard des capacités de ma nouvelle machine. Pour conserver toute leur magie, certains souvenirs gagneraient à ne jamais quitter leur état.
Lorsque j’étais au collège, il y avait cette fille que je ne savais pas comment aborder. Un jour, j’ai appris par hasard qu’elle avait un Amstrad CPC464. Afin de lui être agréable et gagner ses faveurs, je décidais de lui offrir une K7 de 60 minutes remplie de jeux que j’avais soigneusement sélectionnés. L’initiative fut couronnée de succès puisque j’éveillais ainsi l’intérêt de la belle qui me remerciait par son plus beau sourire. Encouragé par sa réaction, je réitérais l’opération durant plusieurs mois, en prenant toujours garde de choisir uniquement des jeux susceptibles d’amuser le joli petit brin de fille. L’exercice était long et fastidieux, mais il en valait largement la peine. Une demi-douzaine de K7 plus tard, tandis que je m’apprêtais enfin à lui déclarer ma flamme, elle me révélait nonchalamment que son petit frère de 5 ans me remerciait beaucoup pour tous ces supers jeux que je lui donnais régulièrement. Fail…
Après le BAC, mes études scientifiques m’avaient contraint à passer les deux années de BTS dans un internat. A cette époque, mes livres de chevet se nommaient TILT, Génération 4, Joystick et MicroNews. Et tandis que les murs des chambres de mes camarades étaient tapissés des portraits de groupes pop divers et de chanteurs rock variés, les miens étaient quant à eux recouverts des posters des jeux Psygnosis (Shadow of the Beast en tête) que je détachais de mes précieux magazines. Lorsque quelqu’un se risquait à me demander d’où provenaient ces étranges illustrations, je me gardais bien d’en dévoiler la source, prétextant un quelconque intérêt pour les gravures de science-fiction dans le seul but de ne pas passer pour un geek attardé de 19 ans…
Malgré le froid de canard qui figeait les rues de Saint-Etienne, des gouttent de sueur perlaient sur mon front rougit par la température. Les fêtes de fin d’année approchaient et j’étais malade comme un chien. Mais aucun mal n’aurait pu assombrir le ciel de cette journée car j’avais prévu de passer chez le revendeur informatique tôt le matin afin de faire l’acquisition de l’Amstrad CPC6128 couleur que je convoitais depuis si longtemps. Et rien, ni personne, ne pourrait m’en empêcher, pas même cette satanée grippe qui me terrassait. Toutefois, mes parents m’avaient suggéré, non sans insistance, de consulter d’abord le médecin. Résigné, je me dirigeais donc vers son cabinet avec l’ardent espoir que la visite ne s’éternise pas. Il était aux alentours de 9h30 lorsque je pu enfin reprendre la route qui menait vers la petite échoppe. En entrant dans le magasin, je croisais le sourire béat d’un jeune garçon qui tenait entre ses mains l’imposant carton d’un CPC flambant neuf que son père venait de lui offrir. Ce sourire, j’étais convaincu de l’arborer à mon tour dans quelques minutes, jusqu’à ce que la sentence tombe comme un couperet : Rupture de stock dans toute la région, la dernière machine venait de partir sous mes yeux… Satanée grippe !
A l’époque de mon Amstrad CPC, le piratage était une pratique courante pour se procurer des logiciels en quantité. Les séances de copie étaient alors rythmées par la succession de pages de codes hexadécimaux de Discology. Par le biais des petites annonces, j’avais ainsi fait la connaissance d’un contact qui avait la chance d’être lui-même en relation avec un groupe de crackers qui l’approvisionnait gracieusement et de façon régulière. Autant dire que je pratiquais l’échange avec lui dès l’occasion m’en était donné. Mais le petit futé était plutôt dur en affaire puisqu’il pratiquait la règle stricte et intransgressible d’un jeu pour un jeu. Du fait de ses connexions privilégier dans le milieu pirate, il était évidemment très difficile de dégoter des logiciels qu’il n’avait pas déjà. J’avais alors trouvé un moyen astucieux d’attiser tout de même son intérêt et sa convoitise grâce aux innombrables listings publiés dans les magazines et que je saisissais patiemment. Par soucis d’authenticité et d’excellence dans mon ouvrage, je réalisais rapidement une image de présentation sur OCP Art Studio et le tour était joué ! Bien entendu, afin de rester crédible, je lui présentais ces jeux comme des nouveautés commerciales totalement inédites… A margoulin, margoulin et demi !
A l’époque, aucun utilisateur d’Amstrad CPC qui se respectait ne pouvait faire l’impasse du célèbre Sorcery tant ce jeu était emblématique de la petite machine 8 bits. Il faut dire que graphiquement, c’était vraiment très réussi, ce qui lui avait valu de se propager sur les disquettes telle une trainée de poudre. Son concept reposait sur l’exploration d’un univers fantastique constitué d’un labyrinthe de multiples écrans interconnectés par des portes. Bien décidé à venir à bout du jeu, c’est une feuille de papier quadrillée sous le stylo que je décidais d’en édifier le plan. Plein de courage, je m’attelais à la tâche consciencieusement, repérant chaque emplacement de chaque porte et leur correspondance. Pourtant, étrangement, plus je progressais dans mes croquis, moins ils étaient cohérents. Et malgré de multiples tentatives, rien à faire, le plan était à chaque fois erroné. Ce n’est que bien des années plus tard, internet aidant, que j’ai compris qu’il était pratiquement impossible de construire un plan logique et rationnel de Sorcery car les connexions entre les différents lieux étaient volontairement anarchiques.
Gilles était un camarade de classe qui vouait la même passion que moi pour les jeux vidéo. Il habitait à un bon quart d’heure de marche de chez moi, ce qui ne l’empêchait pas de se lever plus tôt et de faire un détour considérable chaque matin pour venir jouer à Armor Attack sur Vectrex juste avant de nous rendre au collège. Un jour, totalement absorbés par notre partie, nous n’avons pas vu l’heure tourner et ce qui devait arriver arriva : Par le biais d’une excuse aussi pitoyable que bancale, nous intégrions notre salle de classe avec 20 bonnes minutes de retard sous les regards suspicieux de nos camarades. Si l’on peut penser que cette petite mésaventure aurait pu nous servir de leçon, il n’en fut rien puisque La Tortue sur VG5000 et Kick Off 2 The Final Whistle sur Amiga nous embarquèrent dans des situations identiques, à quelques années et classes d’intervalle près.
Prophecy I, The viking Child, c’était un peu le Wonderboy in Monster World que l’Amiga n’avait jamais eu. Le jeu tenait sur 3 disquettes respectivement baptisées A, B et C par les développeurs, ce qui était plutôt inusuel. Malgré une pratique régulière et intense, je ne parvenais jamais à aller au-delà de la disquette B. Je me surprenais alors à imaginer ce que pourrait bien receler cette troisième disquette. Un niveau encore plus spectaculaire ? Des graphismes d’une beauté à couper le souffle ? Le Cheat-code du magazine que je tenais à présent entre les mains allait de toute façon me permettre de le découvrir ! Grace aux vies infinies, je parcourais d’une traite ce qui me requérait d’habitude plusieurs heures de jeu pour enfin lire sur l’écran le tant attendu : « Please, Insert Disk C ». Mon excitation était à son comble… jusqu’à ce que le chargement interminable et erratique du lecteur me fasse comprendre que le média était en réalité défectueux. Dépité, j’ai abandonné pour ne retenter l’exercice sous émulation que 20 ans plus tard avec des dumps téléchargées au hasard d’un site internet. Et bien croyez-le ou non, mais le phénomène de disquette corrompue s’est reproduit à l’identique : je n’étais visiblement pas le seul à avoir des disquettes foireuses à l’époque !
Ce jour-là, j’avais quitté la maison d’Olivier avec un sacré paquet de disquettes 3 pouces gorgées de jeux fraichement copiés sous le bras. Discology avait rythmé nos petits méfaits de pirates en herbe durant une bonne partie de l’après-midi et il me tardait à présent d’essayer chaque jeu sur mon Amstrad CPC. J’en étais d’ailleurs tout excité à l’idée pendant que je m’installais devant le clavier, jusqu’à ce que j’insère la disquette de Turbo Cup dans mon lecteur... A peine s’étaient chargés les premiers octets du programme, que l’image d’un policier pointant un doigt inquisiteur dans ma direction et hurlant « Hey ! You ! You’re under arrest !! », s’affichait brutalement à l’écran ! L’efficace protection de Loriciels s’était jouée du célèbre logiciel de copie, effrayant par la même occasion l’enfant candide que j’étais alors. Par crainte de ne voir débarquer les gendarmes à ma porte, j’éteignais précipitamment ma machine et éclipsais à la hâte le fruit de mon délit dans le tiroir de la commode. Bon, l’inflexibilité des scrupules étant ce qu’elle est chez l’être humain, je rallumais le CPC dans le quart d’heure qui suivait pour tenter de bidouiller la disquette récalcitrante.
Quelle sensation exquise que celle de s’octroyer les pouvoirs d’un Dieu. Le célèbre Populous II, véritable référence du genre sur Amiga, permettait ainsi d’incarner une divinité grecque capable de commander aux éléments tout en ayant droit de vie ou de mort sur les peuples humains qu’elle gouvernait. J’avoue que déchainer les catastrophes naturelles sur les pauvres mortels pour les voir périr était un spectacle qui me poussait irrémédiablement à enchainer les parties avec une jouissance coupable. Du haut de ses 1000 niveaux, la durée de vie du jeu était proprement colossale. Mais malheureusement, au bout d’une centaine de tableaux, la difficulté croissante était devenue pour moi un obstacle frustrant qui me poussait jusqu’à envisager l’abandon définitif de sa pratique. Et puis c’est en posant le regard sur la feuille de papier sur laquelle j’avais inscrit les codes d’accès des niveaux que la révélation se fit. Leur génération répondait visiblement à un agencement de 6 lettres composé de séquences redondantes de 2 lettres. Une fois les séquences isolées, il ne me restait plus qu’à tenter de former de nouveaux codes en les mélangeant de façon aléatoire. De fil en aiguille, je trouvais ainsi de menues combinaisons me permettant d’atteindre quelques niveaux légèrement plus lointains... jusqu’au moment où je saisissais « WOITAB » le code qui allait, sans que je m’en doute un seul instant, me propulser directement au dernier niveau du jeu ! Ceci dit, la difficulté y était telle que je n’ai malgré ma tricherie, jamais pu en voir la fin.
Que celui qui n’a jamais piraté un jeu me jette le premier Joystick… A l’époque des micros 8/16 bits, cette pratique, certes peu glorieuse, était pourtant devenue si ordinaire et usuelle, que même les magazines spécialisés tels que Tilt et consorts voyaient régulièrement leurs pages noircies de petites annonces motivées par l’échange de « copies de sauvegarde ». Je me souviens de ce jour où mon frangin m’explique que le petit frère de son collègue de travail aimerait rentrer en contact avec moi pour échanger quelques jeux Amiga. Méticuleusement et précautionneusement alignées en rangs d’oignons dans le tiroir du secrétaire style Louis XV de ma chambre, mes copies se comptaient alors par centaines. Déjà en relation avec de nombreux autres contacts, j’accédais tout de même à la demande, par courtoisie. Le soir-même, la sonnerie du téléphone familial résonnait dans le couloir : un certain « Hervé » me proposait, pour le lendemain, une rencontre Place de l’Hôtel de Ville que j’acceptais. Cependant, un problème demeurait : comment se reconnaitre parmi la foule ? C’était sans compter sur les références « Jamesbondesques » de mon interlocuteur qui m’indiquait d’une voix solennelle et presque ténébreuse : « je serais vêtu de noir et je tiendrais discrètement une disquette entre les mains ». Au moment où je raccrochais le combiné, autant dire que je me faisais une idée plutôt sombre et clandestine de ce mystérieux personnage que j’imaginais déjà glissé dans un smoking noir, les poches recelant quelques microfilms subtilisés aux soviétiques, et m’attendant au volant d’une Aston Martin, prêt à repartir sous le vrombissement assourdissant du moteur de la sportive anglaise à la moindre alerte… Quelle ne fut pas ma surprise le jour « J », en découvrant un énergumène dont l’allure était en réalité située aux antipodes de ce que mon imagination m’avait suggéré la veille ! Regard mutin caché derrière les verres denses de lunettes trop grandes, la dégaine maladroite et incertaine, accentuée par la coupe confortable d’un survêtement informe (mais effectivement de couleur noire) : le sympathique gaillard manipulait avec gène et hésitation le support magnétique, tout en opérant des mouvements panoramiques de la tête qui lui permettaient de scruter l’horizon. Tandis que je m’approchais, je sentais la réserve et le malaise l’envahir. Mais dès la première phrase, l’appréhension se dissipa. L’après-midi fut alors placé sous le signe de la plaisanterie et de la bonne humeur. Par la suite, le joyeux luron, DJ de surcroît, allait même devenir l’un de mes meilleurs amis ! Lorsque j’y repense, je me dis que le seul lien avec James Bond dans cette histoire, était finalement situé dans la disquette que tenait Hervé ce jour-là : un exemplaire, fort à propos au demeurant, d’Operation Stealth.
La Haute-Loire est un véritable paradis pour quiconque apprécie la nature vierge et farouche. Ce jour-là, pourtant, les bulldozers s’étaient invités près de la petite maison de campagne que mes parents louaient pour l’été. A grands renforts de pelleteuses, les arbres centenaires tombaient un à un, dans un bruit assourdissant. Le soir venu, l’épaisse forêt que j’explorais jadis s’était transformée en un vaste champ de bataille dont les plaies béantes dévoilaient une terre encore fraiche et humide. Devant ce spectacle, j’étais alors moi-même déraciné. L’homme, dans toute sa splendeur dominatrice, venait de façonner le paysage à sa convenance afin d’y tracer les contours d’un terrain de golf. Au fil des jours qui suivirent, les travaux avançaient rapidement et la saison suffit pour les mener à terme. De mon côté, privé de cette partie de la campagne sauvage que je j’affectionnais tant, je m’étais reclus dans la chambre, devant le moniteur de mon Amiga 500. Et, comme par mimétisme, j’avais entrepris d’y reproduire à l’identique les 18 trous de l’envahisseur, grâce à l’éditeur de parcours de World Class Leader Board. C’est ainsi qu’à l’issue de l’été 1988, une disquette de sauvegarde « Extra Courses » offrant la possibilité de fouler de manière virtuelle le green du golf international qui s’était installé au Chambon sur Lignon, se voyait diffusée par les réseaux « underground ». Parfois je me laisse dire que, peut-être, a-t-elle bien malgré moi contribué à sa popularité…
Je me suis toujours refusé à l’achat de copies pirates, préférant réserver le peu d’argent de poche que j’économisais aux quelques rares originaux que ma convoitise ardente me poussait à acquérir par la voie légale. Cependant, je dois bien avouer que l’échange de disquettes constituait ma source principale et abondante d’approvisionnement de logiciels. A l’époque de mon Amstrad CPC6128, j’avais un ami, Olivier, qui, par je ne sais quel moyen - ou contact -, parvenait à récupérer une flopée de jeux récents chaque semaine. J’avais pour habitude de l’appeler une fois par mois afin de caller un rendez-vous entièrement dédié à Discology. Mais pour pratiquer l’échange, il faut avant tout avoir quelque chose à échanger, une nouveauté que l’autre n’a pas déjà… Et sur ce point-là, j’éprouvais parfois une certaine carence. Alors pour attiser l’intérêt de ce fameux copain, je les élaborais moi-même, en saisissant à la sueur de mes doigts les interminables listings qui fleurissaient dans les magazines de la presse spécialisées. J’allais même jusqu’à dessiner des écrans d’introduction sur OCP Art Studio pour que la supercherie passe totalement inaperçue. Et cela fonctionnait ! Je me souviens plus particulièrement de Dark Power, un shoot’em up paru sous forme d’un listing de 11 pages dans le Micro Mag HS n° 2 d’Août 1989, et pour lequel j’avais construit une image de présentation à partir de celle de Cybernoid 2. J’avais tellement bien vendu l’affaire au téléphone, en vantant outre mesure autant ses qualités que sa rareté, que j’avais réussi à décrocher une entrevue dans la semaine. Je n’ai jamais su si mon pote était conscient de ma petite imposture ponctuelle. Il faut dire que sa gentillesse était telle qu’il n’aurait, j’en suis persuadé, rien dit de toute manière.
Eric Cubizolle (TITAN)
Le texte illustré ci-dessous regroupe quelques chroniques et anecdotes que j'ai personnellement vécu durant l'âge d'or de la micro-informatique 8/16 bits.
Je pense que beaucoup ayant connu cette période, s'y retrouveront...
Bonne lecture !
D’aussi loin que je me souvienne, je ne pense pas me tromper en affirmant que mes premiers émois dans le monde de la micro-informatique ont été provoqués par des ambitions qui ne partageaient pas vraiment les intentions les plus nobles. A cette époque, j’étais un jeune garçon de 10 ans qui se passionnait pour l’espace et s’émerveillait devant la technologie. Autant dire que Space Invaders rassemblait, à lui seul, tous les critères susceptibles d’attiser mon admiration profonde. Bref, ce soir-là j’avais décroché l’autorisation exceptionnelle de passer la nuit chez mon grand frère et je m’en réjouissais d’avance. Une fois arrivé dans l’appartement, je découvrais au centre du salon une étrange machine délicatement disposée sur la table-basse de rigueur. Sur sa façade, 4 lettres énigmatiques formaient le mot Oric. A coté, un carton gorgé de K7 déposées pêle-mêle attendait d’être renversé. Conscient de l’opportunité unique que représentait pour moi cette situation, le frangin, complice, me laissait en tête à tête avec le clavier. Par un Cload tapé à grande hâte, je lançais mon premier jeu : Le mystère du Kikekankoi. Ce fut le déclic. Je passais bien évidement la nuit entière à jouer, mais surtout à tenter de déchiffrer le manuel du BASIC afin de saisir toutes les subtilités d’un langage obscure dans le seul but, inavouable, de trouver le moyen de dupliquer le jeu. La nuit fut courte et mes investigations finalement vaines. Penser qu’il aurait seulement fallu que je loue les services d’un lecteur double K7 pour arriver à mes fins de pirate en herbe, me fait aujourd’hui sourire...
A une époque où le célèbre Discology réussissait la prouesse de démocratiser le bidouillage sur Amstrad CPC, j’avais pour habitude d’explorer en profondeur le contenu de mes disquettes. Passant minutieusement en revue chaque octet de chaque secteur de chaque piste grâce au puissant éditeur de l’utilitaire, je traquais dans une jungle de codes informatique, la moindre chaine de caractères alphanumériques intelligible ou susceptible de présenter un intérêt quelconque. Cette pratique, lorsqu’elle ne me servait pas à traduire un jeu, me permettais parfois de dénicher les commentaires dissimulés par les programmeurs dans leur soft. Un beau jour, alors que je parcourais nonchalamment les pistes de la disquette de Skate Ball, mon attention fut attirée par 4 lettres formant le mot TIXY. Sans grande conviction, j’exécutais le jeu et appuyais simultanément sur les 4 touches du clavier correspondantes, ce qui eu pour conséquence de déclencher le cheat-mode ! J’avoue qu’à cet instant j’étais plutôt fier de ma trouvaille car aucun magazine n’avait encore publié cette astuce dans ses pages. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard, Internet aidant, que je découvrais enfin son origine et sa légitimité : TIXY the witch était en fait le pseudonyme que s’était donné le programmeur du jeu, Jon Menzies.
Timidement introduit sur micro par la série des Déjà vu puis rendu populaire avec l’incontournable Maniac Mansion, le Point’n Click est un genre qui, à l’aube des années 90, règne en maitre sur les territoires du jeu d’aventure. Il faut dire que depuis son apparition en 1986, le concept n’a cessé de gagner en ergonomie et en esthétique, jusqu’à devenir un véritable standard du jeu vidéo. Et ce ne sont pas les Voyageurs du temps, Operation Stealth et autres Monkey Island qui prouveront le contraire. En cette année 1992 un jeu d’aventure en particulier retient ainsi toute mon attention, le fabuleux Bargon Attack. Et pour braver sa difficulté, nous décidons, un ami et moi, d’y jouer de concert tout un mercredi après-midi. Chacun chez sois, souris en main et tous deux prêts à en découdre avec les aliens, nous nourrissions l’espoir de parvenir à bout du jeu grâce à nos efforts unis. Pour arriver à nos fins, nous avions instauré un système d’entre-aide téléphonique, l’un appelant l’autre dès qu’il trouvait une infime partie de la solution. Rappelons qu’à l’époque, Internet n’existait pas. Autant dire que France Telecom a gagné quelques Francs ce jour-là. Au-delà de l’aventure, une certaine compétition s’était d’ailleurs installée entre nous, et je me souviendrais toujours de la rage du copain lorsque, de quelques secondes seulement, je décrochais le premier le téléphone pour lui annoncer que j’avais fini le jeu avant lui.
Plus le progrès avance, plus nos machines de jeux se perfectionnent techniquement, c’est un fait. Leurs composants se miniaturisent, leurs fonctions se démultiplient et leurs possibilités sont toujours plus accrues à chaque génération. Le support de stockage en est d’ailleurs un bon exemple : tout d’abord cartouches sur les toutes premières consoles, il s’est transformé en CD-Rom, puis DVD-Rom pour enfin devenir Blu-Ray sur Playstation 3. Mais si ces supports offrent des capacités de stockage toujours plus étendues, on ne peut pas dire que leur solidité ait subit une évolution équivalente. En effet, alors qu’une cartouche NES encaissera sans problème un vol plané dans le salon, le DVD-Rom quand à lui deviendra illisible à la moindre micro-rayure mal placée. Cette petite réflexion ravive en moi une petite anecdote… L’histoire se déroule à l’aube des années 90. Je suis dans ma chambre, alité, car une grippe assez violente me terrasse. A cette époque, je vis encore chez mes parents qui sont aux petits soins pour me faciliter le passage de cette « douloureuse » épreuve. Mais une semaine allongé, sans rien faire, c’est long… très long… voir même carrément frustrant lorsqu’on a un Amiga 500 qui dort à quelques mètres et qui ne demanderait qu’à être allumé pour occuper ces longues journées ! C’est ainsi que dans leur grande bonté, mes parents décident d’installer une table de camping près de mon lit afin d’y déposer mon Amiga. La couleur crème du clavier de la machine se mariait d’ailleurs de façon plutôt étrange avec le jaune kitch de la table toute droite sortie des années 80. Mais qu’importent les considérations d’ordre esthétique, l’important était bien là : je pouvais enfin jouer à loisir. A cette période, je me souviens que deux jeux me tenaient en haleine : Bargon Attack et Stunt Car Racer. Si Bargon Attack, en bon jeu d’aventure, privilégie la réflexion et la patience, Stunt Car Racer, a contrario, demande d’excellents et vigoureux réflexes. Afin d’activer ma guérison, le médecin avait prescrit un traitement assez agressif que je devais accompagner de nombreuses et régulières inhalations au cours de la journée. Bien qu’apaisantes et relaxantes, je les redoutais car elles étaient synonymes de l’arrêt net de ma partie en cours. Alors pour éviter ce désagrément, je décide de coincer l’inhalateur bouillant entre mes deux avant-bras afin de pouvoir continuer à tenir la manette dans mes mains. Ce petit stratagème se révèle finalement plutôt efficace malgré ma vision légèrement déformée par la fumée qui s’échappent et les larmes de crocodiles qui ruissellent sous mes yeux. Et ce qui devait arriver, arriva. En pleine partie de Stunt Car Racer, par un geste frénétique et maladroit, l’inhalateur rempli à ras s’ouvre et la solution à l’eucalyptus bouillante qu’il renferme se déverse et se répand totalement sur l’Amiga en fonctionnement ! Horreur ! Ni une ni deux, je saute de mon lit et arrache la prise murale pour éviter le court-circuit. Tout penaud, j’averti mes parents qui m’aident alors à vider le liquide qui s’est infiltré dans la coque de l’Amiga, au-dessus de la baignoire… un grand moment de solitude et de désespoir m’envahit pendant que les dernières gouttes s’échappent du lecteur de disquettes. Je décide ensuite, la mort dans l’âme, de laisser sécher la machine toute la nuit, priant un hypothétique Dieu Commodore d’épargner mon micro-ordinateur d’une fin certaine. Le lendemain, c’est peu fier que je tente l'opération risquée de rallumer la bête. Et avec un étonnement qui n’a eu d’égale que ma joie, je constate qu’il fonctionne toujours… A la différence près qu'au bout de quelques minutes d'utilisation une agréable odeur d'eucalyptus se dégage de mon clavier ! Je venais, sans le vouloir, mais avec succès, d’éprouver l’étanchéité et la robustesse de l’Amiga 500. Au regard de la fragilité du matériel actuel, je doute qu’une telle mésaventure connaisse aujourd’hui un dénouement aussi heureux…
A une époque où la personnalisation et la customisation est un concept quasi inexistant dans le jeu vidéo, quoi de plus amusant alors que de parvenir à en modifier tout de même certains aspects, surtout lorsque ce n’est pas prévu à l’origine ! C’est une expérience pour le moins désopilante que j’ai vécue avec le célèbre Worms sur Amiga. En scrutant la disquette, j’avais remarqué que tous les bruitages du jeu y étaient stockés individuellement sous la forme de petits fichiers audio non protégés. Substituer ses propres sons aux originaux devenait alors un véritable jeu d’enfant, du moment que l’on respectait bien la nomenclature originale de chaque fichiers. Je me suis alors rendu chez un ami DJ qui possédait l’échantillonneur adéquat pour générer et intégrer de nouveaux bruitages à Worms. Si, au début nous étions très concentrés sur notre tâche, la situation à très rapidement tournée à la franche rigolade. Il faut dire qu’entendre un vers de terre hurler de sa voix chétive « Aïe mes pieds ! », « retourne chez ta mère manger du flan ! », et tout un tas d’autres interjections de plus ou moins bon gout, est une circonstance qui n’incite définitivement pas à garder son sérieux. Par la suite, de nombreux pack de bruitages également créés pas des amateurs ont vu le jour sur Aminet.
Je me souviendrais toujours de cette veille de Noël 1988 qui m’a fait vivre l’un des instants les plus magiques de ma vie de gamer. A cette époque, je surveillais avec une impatience non dissimulée la sortie de Target Renegade. Il faut dire que le premier opus m’avait déjà tenu en haleine de longues heures durant devant mon Amstrad CPC. Pour Noël, j’avais donc demandé à mes parents de m’offrir la compilation Le Défis de TAITO qui, en plus de contenir le fameux Beat’em up, avait l’avantage de renfermer 5 autres grands succès de l’arcade. Si mon excitation grandissait à mesure que les fêtes de fin d’année s’approchaient, le facteur ne se s’était cependant toujours pas manifesté à la porte... Ma mère, qui avait passé commande chez La Redoute commençait à s’inquiéter. Vint alors le matin du 24 décembre, date à laquelle nous avions pour coutume de rassembler la famille pour s’échanger nos présents un autour d’un bon repas. Résigné, je quittais ma chambre en direction du salon, lutant pour ne pas montrer ma déception, lorsque, tout à coup, une sonnette retenti : à 10h précise, un commis en uniforme me livrait mon paquet ! Parfois, la magie de Noël opère...
Ce jour-là, j’étais rentré à la hâte dans ce petit appartement du premier étage que louaient mes parents au 7 de la rue Saint-Just. Parfaitement imbriqué comme un bloc de Tetris entre la voie ferrée et la boulangerie, l’immeuble n’avait pas d’ascenseur, mais je crois que jamais je n’avais gravi les escaliers avec autant d’ardeur et d’empressement. Il faut dire que je revenais tout juste de chez le revendeur informatique du quartier avec un Amiga sous le bras qu’il me tardait de brancher. Rapidement déballé et installé au cœur du salon en bois rustique, le monstre de technologie de Commodore affichait alors ses premiers pixels sur l’écran vieillissant de la TV familiale, un moment inoubliable renforcé par le charme exotique du contraste anachronique qui émanait de l’ensemble. Tout prévoyant que j’étais, je m’étais bien évidement déjà procuré une boite de ce que nous appellerons « copies de sauvegardes » et dans laquelle je piochais frénétiquement un premier jeu. Le hasard a voulu que ma main hésitante s’arrête sur la disquette de Red Heat. Et tandis que l’image de présentation du jeu s’affichait sur l’écran cathodique de 56 cm, mon père pénétrait discrètement dans la pièce et me lançait : « Tu as mis un film de Schwarzenegger à la télé ? ». Moi qui cherchais un micro capable de photoréalisme, je venais d’être brutalement conforté dans mon choix par mon père, même si c’était finalement bien malgré lui.
Destiné à une carrière scientifique dont la spécialité m’avait contraint de suivre un enseignement situé à plus de 200Km du cocon familiale, j’apprenais à me familiariser avec les joies de l’internat. Plantée au beau milieu des montagnes enneigées de la Haute-Savoie, l’établissement scolaire se voulait une véritable mosaïque d’élèves issus des 4 coins de l’hexagone. A cette époque, la guéguerre Amiga/Atari ST faisait rage. C’est dans ce contexte particulier que j’ai fait la connaissance de Jean-François, un Nantais chevelu, filiforme, hard-rocker à ses heures et fermement rallié à la cause Atari ST. Toujours enclin a évangéliser le sauvage qui se présente, je le conviais a passer un week-end entier chez moi, m’investissant de la mission de lui prouver que mon Amiga était bien supérieur à son Atari. Le rendez-vous fut pris rapidement. Pour l’occasion, j’avais préparé une petite sélection des plus grands hits de la machine et je comptais bien emmener le jeune incrédule d’émerveillement en émerveillement. Afin d’y aller crescendo, j’insérais tout d’abord la disquette de Moonstone dans le lecteur, il était aux environs de 14h. Lorsque j’éjectais enfin le média magnétique la nuit était tombée : nous avions passé tout notre temps à jouer à ce seul jeu ! Le lendemain ne connu d’ailleurs pas d’autre sort. Au final, nous avons passé le week-end entier sur Moonstone. Mais j’avais tout de même accompli ma mission : avec un jeu seulement, j’avais convaincu le jeune Atariste du bienfondé de mes affirmations au sujet de la supériorité de l’Amiga. Je n’ose alors imaginer la hauteur de son ébahissement si j’avais enchainé avec un Shadow of the Beast, un Turrican ou encore un Agony…
Bien qu’âgé de 12 ans seulement à l’époque où j’ai reçu mon VG5000 Philips, je me retrouvais seul à la maison. Mon frère et ma sœur ainés ayant quitté le nid familial depuis quelques années déjà, je cherchais désespérément en mon père un partenaire de jeu. Il faisait souvent l’effort de s’intéresser à l’exercice après mes interminables supplications, mais cela ne jurais jamais assez longtemps à mes yeux. Le pauvre, il faut dire qu’en plus de ne lui octroyer que peu de temps libre, son labeur d’ouvrier l’harassait littéralement. Il y avait cependant un jeu qui me permettait de retenir son attention de longues heures durant. Il s’agissait du Fou Volant, une simulation de bataille aérienne où il fallait traquer et abattre les avions ennemis qui passaient devant le viseur. Le jeu était rudimentaire et il fallait faire preuve d’une sacrée dose d’imagination, mais le fait est que cela fonctionnait ! Depuis, Le Fou Volant représente pour moi les moments de complicité avec mon père les plus inoubliables.
A cette époque, le monde vidéoludique répartissait ses adeptes en deux catégories distinctes de joueurs : les possesseurs de microordinateurs et les possesseurs de consoles. Les premiers avançaient surtout les possibilités illimitées en termes de créativité que leur offrait l’ordinateur, une opportunité qui était généralement mis en concurrence avec la convivialité des produits sur consoles par les deuxièmes. Bref, c’était la guéguerre… une de plus ! Avec mon Amiga j’étais un peu le vilain petit canard de ma bande de copains qui ne juraient que par leur Super Nintendo ou leur Mega Drive. Le reproche récurent était que sur un ordinateur, les jeux n’étaient pas assez fun car très rarement pensés pour être pratiqués à deux simultanément, contrairement aux consoles. Alors un beau jour, j’ai invité 4 amis consoleux à venir jouer chez moi en leur expliquant que ce serait simultanément. Aucun ne m’avait cru. Quelle ne fut pas leur étonnement lorsqu’après avoir branché un démultiplicateur de ports manettes, je lançais une partie de Dyna Blaster (le Bomberman de l’Amiga) à 5 joueurs simultanément ! L’après-midi s’est alors transformé en un déluge d’explosions et de franches rigolages. Depuis ce jour, ma fabuleuse machine avait enfin acquit la considération de mes amis consoleux. Merci Dyna Blaster !
Émoustillé par le moindre pixel à vocation érotique, je vouais une admiration toute particulière pour Teenage Queen. Il faut dire que ce strip-poker avait la particularité de s’affranchir de toute vulgarité grâce à ses superbes illustrations typées BD et exécutées avec talent et bon gout. Pour effeuiller la belle j’enchainais donc les parties sans relâche, mais hélas, je perdais inévitablement avant les ultimes étapes, me laissant à chaque fois dans un état de frustration extrême. C’est alors que j’ai eu l’idée de sonder la disquette dans le but d’y dénicher les images. Ma quête fut très rapidement récompensée puisque chaque image était bien présente sous la forme d’un fichier individuel ! Certainement cryptés et compressés, ces fichiers n’étaient cependant pas exploitables. J’ai alors tout simplement essayé d’intervertir leurs noms sur la disquette de manière à ce que la dernière illustration s’affiche en premier. L’astuce fonctionna à merveille… Mais tandis que je m’attendais à pouvoir enfin admirer les formes dénudées de mon adversaire de charme, quel ne fut pas mon ahurissement en découvrant un androïde s’arrachant jusqu’à la peau ! C’est ce que l’on appelle du striptease intégral !
Il y avait quelque chose d’envoutant et de pénétrant dans cette console que je ne m’expliquais pas. Rehaussée par un fond d’une noirceur insondable, la lumière monochrome clinquante, presque aveuglante, qui s’échappait de ses graphismes vectoriels fantomatiques engendrait une atmosphère sidérale dans le salon volontairement plongé dans la pénombre de mes parents. Cette machine obscure, qui portait le nom mystérieux, quasi ésotérique, de Vectrex, mon grand frère, de 14 ans mon ainé, me l’avait prêté pour quelques semaines afin que je puisse me divertir. Pour moi, qui n’avais alors connu que les consoles Pong, le prodige technologique qui se jouait devant mes yeux tenait de la magie, voire de la sorcellerie. La console était accompagnée d’une demi-douzaine de jeux que je pratiquais tour à tour et de manière quasi ininterrompue durant les jours qui suivirent. Cependant, malgré tout l’amusement que j’en retirais, au bout de quelques temps passés à permuter toujours les 6 mêmes cartouches, la sensation d’avoir fait le tour de chaque jeu se fit fatalement et cruellement ressentir. Alors pour décupler leur durée de vie, j’avais trouvé une petite astuce qui consistait simplement à intervertir les overlays, ces calques plastiques transparents sur lesquels était imprimé le décor et dont la juxtaposition avec l’écran créait l’illusion de graphismes complexes et colorés. Les combinaisons étaient nombreuses, 36 pour être exact, engendrant autant de déclinaisons visuelles possibles d’un même jeu. Je me souviens tout particulièrement d’Asteroids que je mariais à toutes les sauces. C’était en 1983, j’avais à peine 12 ans, et à chaque substitution d’overlay j’avais la sensation de découvrir un nouveau jeu : une façon de démultiplier la logithèque à moindre frais.
Lorsque j’étais au lycée, j’avais pour habitude d’inviter quelques camarades à venir s’amuser le mercredi après-midi autour d’un bon jeu vidéo. En détenteur privilégié d’un superbe Amiga 500, j’étais toujours très heureux de faire découvrir les dernières nouveautés à mes amis qui n’avaient pas toujours la chance de posséder d’ordinateur ou de console. Ce jour-là, nous avions décidé de jeter notre dévolu sur Internaltional Karaté Plus (IK+ pour les intimes), un jeu de combat versus capable de supporter jusqu’à 3 concurrents simultanément à l’écran, un apanage séduisant doublé d’une réelle prouesse technique pour l’époque. Ne possédant qu’un seul joystick, il fallait donc que le second joueur humain exploite le clavier pour se mouvoir. Ainsi, tout se passait à merveille jusqu’à ce que dans son empressement, le doigt fébrile dudit joueur dérapa pour finir sa course sur la touche « T » du clavier, déclenchant par la même occasion une animation cocasse montrant les sprites hébétés des karatékas avec leurs pantalons baissés jusqu’au mollet : nous venions tout simplement de trouver de façon totalement fortuite, le bonus secret du jeu. Est-il maintenant réellement nécessaire de préciser que ce qui aurait dû être un championnat d’art martial humble et vertueux s’est immédiatement transformé en une joyeuse et improbable chorégraphie de karatékas exhibitionnistes qui a duré toute l’après-midi ?
Les modestes capacités sonores de mon Amstrad CPC6128 faisaient pale figure à côté des somptueuses mélodies que distillait l’Amiga. Mais à l’époque, même si j’économisais secrètement pour m’offrir un jour le monstre 16 bit de Commodore, je dois avouer que je m’accommodais assez bien des musiques quelque peu nasillardes de ma vaillante petite machine 8 bit. Un jour pourtant, sur les conseils d’un ami, je décidais de relier mon Amstrad à un ampli et une paire de haut-parleurs puissants, histoire de voir, ou plutôt d’écouter, ce dont était réellement capable sa puce sonore. Sans grande conviction, je lançais Le Manoir de Mortevielle et montais le volume de quelques décibels. Quelle ne fut pas ma surprise à l’écoute de la musique d’introduction du célèbre jeu d’aventure : des sons insoupçonnés, jusqu’alors inaudibles, parvenaient désormais très distinctement à mes tympans ! Et quels sons mes amis ! J’entendais à présent très clairement la voix d’un chanteur à une fréquence si basse que le petit buzzer de l’Amstrad n’était jamais parvenu à la restituer. Autant dire que j’ai passé le restant de la journée à passer en revue toutes mes disquettes afin de redécouvrir les musiques des jeux qu’elles contenaient.
Lorsqu’on a 17 ans, les vacances à la campagne deviennent très vite rébarbatives et ennuyeuses, surtout lorsqu’on est seul et que pour toute distraction, s’étendent prés et forêts à perte de vue. Mais cette année-là, j’avais prévu le coup en emportant avec moi mon Amiga 500. Cela n’avait pas été facile de convaincre mes parents, d’autant plus que la place était une denrée rare dans le coffre étroit et gorgés de bagages de la 104 Peugeot. Mais à force d’insistance, j’étais tout de même parvenu à mes fins, non sans grands renforts d’arguments sur le fait que je serais raisonnable et profiterais aussi du grand air. A peine arrivé dans la petite maison rurale que l’on louait chaque année en été, je déballais et branchais l’ordinateur, ce qui me valut un rappel à l’ordre immédiat : « Tu ne vas tout de même pas t’enfermer dès le premier jour ? Profites un peu du beau temps et de la nature ! ». Qu’à cela ne tienne, par l’intermédiaire d’une rallonge électrique, je déplaçais ma machine jusqu’au milieu du pré attenant où je m’installais confortablement sur une table de camping de fortune. Sous le regard hébété des vaches qui m’entouraient, j’enchainais les parties de Midnight Resistance sous un soleil de plomb, les orteils effleurant délicatement l’herbe grasse et généreuse de la Haute-Loire. Le bruit tonitruant de mon fusil-laser retentissait alentour, brisant la quiétude ambiante. La scène qui se jouait avait certes quelque chose de surnaturel et anachronique, mais l’important était que j’avais tout de même réussi le défi de concilier mes désirs et ceux de mes parents bienveillants.
A cette époque-là, je prenais le tram tous les matins pour me rendre au lycée. J’avais rendez-vous avec Hervé, un camarade de classe qui me racontait ses fabuleuses aventures de la veille sur Dungeon Master durant tout le trajet. Je concevais que passer la soirée sur l’Atari ST de son oncle était pour lui une activité beaucoup plus captivante que de procéder à des révisions rébarbatives. La passion qui l’animait dans ses récits laissait entrevoir une expérience épique remplie de monstres fantastiques et autres concoctions de sortilèges enchantés qui me faisait rêver, en plus de me faire vivre le jeu par procuration. Je me souviendrais toujours de ce jour de fin d’année scolaire où, tout excité, il m’annonçait qu’il avait enfin réussi à finir le jeu. Par contre, quelques jours plus tard se déroulait l’épreuve du BAC et, de nous deux, j’étais celui qui la réussissait.
Nous sommes en 1995. L’Amiga est sur le déclin et mon frère est depuis longtemps passé chez l’ennemi avec son Pentium 2. Les atouts du micro de Commodore qui avaient fait briller ses yeux jadis ne sont à présent que de vagues souvenirs qui s’estompent à grande vitesse face aux capacités racoleuses de son compatible PC. L’ingrat ! Quant à moi, en irréductible gaulois, je ne jure que par mon Amiga 1200 surgonflé, ce qui me vaut les railleries ponctuelles du frangin. Las de cette situation désavantageuse, je fomente un petit stratagème afin de lui clouer le bec une bonne fois pour toute. Grace au lecteur de CD-Rom de l’Amiga, je récupère l’image de boot d’un jeu Playstation. Par l’intermédiaire d’un échantillonneur sonore (TechnoSound Turbo 2), je numérise le jingle de lancement de la console de Sony. Après quelques lignes de codes saisies directement dans la Startup-Sequence (L’autoexec.bat de l’Amiga) destinées à synchroniser l’ensemble, mon émulateur Playstation factice, mais criant de réalisme, est fin prêt et il ne tient que sur une disquette ! Je revois encore la tête décomposée de mon frère, bouche bée devant la supercherie et demandant : « Ça existe sur PC ? » et moi de lui répondre : « Désolé, ça ne tourne que sur Amiga car lui seul en est capable. ». Et toc !
Les jeux vidéo ont toujours été une part importante de ma vie, jusqu’à en façonner certaines de ses facettes les plus intimes. Je me souviens qu’à l’approche la majorité, j’étais en pleine recherche de style pour ma signature. Il faut dire qu’à cette période précise de la vie, la quête d’identité se fait plus pressante. Je voulais une griffe qui soit aussi efficace qu’esthétique. Hélas, aucun des innombrables essais que j’avais griffonné sur le papier ne me satisfaisait. Dépité sur le moment, c’est en allumant mon Amiga, histoire de me changer les idées, que se fit contre toute attente la révélation. Fondu discrètement dans le décor du superbe écran de présentation d’Agony, m’attendait depuis toujours le Saint Graal. Elancée, racée et dynamique, la signature du talentueux graphiste Franck Sauer répondait à tous mes critères. Ni une ni deux, je saisissais mon stylo et en devenais le faussaire, adaptant tant bien que mal mon propre nom dans le paraphe. Aujourd’hui, même si elle a définitivement évoluée, ma signature conserve encore quelques traits empruntés à celle d’Agony.
Dwarf sur Amstrad CPC était un jeu qui me rendait malade, mais au sens propre du terme. Nausées, maux de tête, étourdissements et écœurement : les symptômes étaient systématiques dès les premières minutes de jeu, ce qui fait que je n’ai jamais été très loin dans l’aventure. Pourtant absolument rien ne justifiait cette réaction. Le plus étrange, c’est que poussé par la curiosité 25 ans plus tard, j’ai ressenti comme un profond mal-être en le relançant sous émulation. Réflexe conditionné, réelle interaction ou ensorcellement… le fait est que le phénomène demeure toujours inexplicable.
Unreal est un jeu fantastique qui a laissé une empreinte indélébile dans ma vie et ma mémoire. Sorte de vitrine technologique de l’Amiga, son atmosphère pénétrante et envoutante n’a cessé de me hanter au fil des années. A tel point que son magistrale thème d’ouverture endosse depuis toujours le rôle de sonnerie principale de mon téléphone portable.
L’informatique ludique n’en était qu’à ses balbutiements lorsque mes parents m’offrirent le jeu électronique Pac-Man. Reçu pour Noël, le superbe petit table-top portatif baptisé "Hungry Pac II" avait des allures de mini borne d’arcade en robe blanche. Inutile de préciser que l’arrivée de ce super jouet allait rythmer mes journées dont le planning consisterait désormais à arpenter sans relâche les labyrinthes vectoriels lumineux du jeu. Hélas, très certainement émoussé par l’usage trop intensif que j’en faisais, le petit joystick intégré finissait par se rompre à la base après un mois d’utilisation seulement. Quelle déveine et, surtout, quelle catastrophe ! L’appareil jouissant toujours de sa garantie, il fut renvoyé en réparation. Chaque jour qui suivit, je guettais le facteur, mais il venait toujours les mains vides. Les semaines s’écoulaient lentement, laissant place au mois sans que ne me soit rendu mon fabuleux jouet. Le désespoir m’envahissait lorsqu’un beau matin enfin, la poste livra un petit paquet dans lequel je retrouvais ma console qui n’avait visiblement pas été réparée, le joystick endommagé et un mot d’excuse du revendeur qui expliquait que le fabriquant ne prenait pas en charge ce genre de réparation… Mon père, dont les talents de bricoleur n’égalaient pas ceux de MacGyver mais qui ne supportait pas de lire la tristesse dans les yeux de son fils, eu alors l’idée lumineuse de remplacer le manche brisé par un gros vis. Je ne lui ai jamais révélé que son filetage incisif me laissait des stigmates de longues heures après une partie.
La toute première image de présentation qui m’ait à jamais marqué est sans conteste celle de Mandragore sur Thomson MO5. Ce jour-là, Yanne, mon ami d’enfance, était venu me rendre visite avec son nouveau micro sous le bras. Et pour moi qui n’avait alors qu’un petit VG5000 peinant à afficher le moindre sprite, une telle image en 5 couleurs affichée de manière aussi fine relevait du véritable prodige. Plus tard, lorsque j’ai eu mon Amstrad, j’ai remué ciel et terre afin de me procurer la version CPC du jeu et pouvoir à nouveau contempler ce magnifique écran. Mais la technologie avait entre-temps évolué et la composition qui m’avait émerveillé quelques années plus tôt me paraissait à présent bien désuète au regard des capacités de ma nouvelle machine. Pour conserver toute leur magie, certains souvenirs gagneraient à ne jamais quitter leur état.
Lorsque j’étais au collège, il y avait cette fille que je ne savais pas comment aborder. Un jour, j’ai appris par hasard qu’elle avait un Amstrad CPC464. Afin de lui être agréable et gagner ses faveurs, je décidais de lui offrir une K7 de 60 minutes remplie de jeux que j’avais soigneusement sélectionnés. L’initiative fut couronnée de succès puisque j’éveillais ainsi l’intérêt de la belle qui me remerciait par son plus beau sourire. Encouragé par sa réaction, je réitérais l’opération durant plusieurs mois, en prenant toujours garde de choisir uniquement des jeux susceptibles d’amuser le joli petit brin de fille. L’exercice était long et fastidieux, mais il en valait largement la peine. Une demi-douzaine de K7 plus tard, tandis que je m’apprêtais enfin à lui déclarer ma flamme, elle me révélait nonchalamment que son petit frère de 5 ans me remerciait beaucoup pour tous ces supers jeux que je lui donnais régulièrement. Fail…
Après le BAC, mes études scientifiques m’avaient contraint à passer les deux années de BTS dans un internat. A cette époque, mes livres de chevet se nommaient TILT, Génération 4, Joystick et MicroNews. Et tandis que les murs des chambres de mes camarades étaient tapissés des portraits de groupes pop divers et de chanteurs rock variés, les miens étaient quant à eux recouverts des posters des jeux Psygnosis (Shadow of the Beast en tête) que je détachais de mes précieux magazines. Lorsque quelqu’un se risquait à me demander d’où provenaient ces étranges illustrations, je me gardais bien d’en dévoiler la source, prétextant un quelconque intérêt pour les gravures de science-fiction dans le seul but de ne pas passer pour un geek attardé de 19 ans…
Malgré le froid de canard qui figeait les rues de Saint-Etienne, des gouttent de sueur perlaient sur mon front rougit par la température. Les fêtes de fin d’année approchaient et j’étais malade comme un chien. Mais aucun mal n’aurait pu assombrir le ciel de cette journée car j’avais prévu de passer chez le revendeur informatique tôt le matin afin de faire l’acquisition de l’Amstrad CPC6128 couleur que je convoitais depuis si longtemps. Et rien, ni personne, ne pourrait m’en empêcher, pas même cette satanée grippe qui me terrassait. Toutefois, mes parents m’avaient suggéré, non sans insistance, de consulter d’abord le médecin. Résigné, je me dirigeais donc vers son cabinet avec l’ardent espoir que la visite ne s’éternise pas. Il était aux alentours de 9h30 lorsque je pu enfin reprendre la route qui menait vers la petite échoppe. En entrant dans le magasin, je croisais le sourire béat d’un jeune garçon qui tenait entre ses mains l’imposant carton d’un CPC flambant neuf que son père venait de lui offrir. Ce sourire, j’étais convaincu de l’arborer à mon tour dans quelques minutes, jusqu’à ce que la sentence tombe comme un couperet : Rupture de stock dans toute la région, la dernière machine venait de partir sous mes yeux… Satanée grippe !
A l’époque de mon Amstrad CPC, le piratage était une pratique courante pour se procurer des logiciels en quantité. Les séances de copie étaient alors rythmées par la succession de pages de codes hexadécimaux de Discology. Par le biais des petites annonces, j’avais ainsi fait la connaissance d’un contact qui avait la chance d’être lui-même en relation avec un groupe de crackers qui l’approvisionnait gracieusement et de façon régulière. Autant dire que je pratiquais l’échange avec lui dès l’occasion m’en était donné. Mais le petit futé était plutôt dur en affaire puisqu’il pratiquait la règle stricte et intransgressible d’un jeu pour un jeu. Du fait de ses connexions privilégier dans le milieu pirate, il était évidemment très difficile de dégoter des logiciels qu’il n’avait pas déjà. J’avais alors trouvé un moyen astucieux d’attiser tout de même son intérêt et sa convoitise grâce aux innombrables listings publiés dans les magazines et que je saisissais patiemment. Par soucis d’authenticité et d’excellence dans mon ouvrage, je réalisais rapidement une image de présentation sur OCP Art Studio et le tour était joué ! Bien entendu, afin de rester crédible, je lui présentais ces jeux comme des nouveautés commerciales totalement inédites… A margoulin, margoulin et demi !
A l’époque, aucun utilisateur d’Amstrad CPC qui se respectait ne pouvait faire l’impasse du célèbre Sorcery tant ce jeu était emblématique de la petite machine 8 bits. Il faut dire que graphiquement, c’était vraiment très réussi, ce qui lui avait valu de se propager sur les disquettes telle une trainée de poudre. Son concept reposait sur l’exploration d’un univers fantastique constitué d’un labyrinthe de multiples écrans interconnectés par des portes. Bien décidé à venir à bout du jeu, c’est une feuille de papier quadrillée sous le stylo que je décidais d’en édifier le plan. Plein de courage, je m’attelais à la tâche consciencieusement, repérant chaque emplacement de chaque porte et leur correspondance. Pourtant, étrangement, plus je progressais dans mes croquis, moins ils étaient cohérents. Et malgré de multiples tentatives, rien à faire, le plan était à chaque fois erroné. Ce n’est que bien des années plus tard, internet aidant, que j’ai compris qu’il était pratiquement impossible de construire un plan logique et rationnel de Sorcery car les connexions entre les différents lieux étaient volontairement anarchiques.
Gilles était un camarade de classe qui vouait la même passion que moi pour les jeux vidéo. Il habitait à un bon quart d’heure de marche de chez moi, ce qui ne l’empêchait pas de se lever plus tôt et de faire un détour considérable chaque matin pour venir jouer à Armor Attack sur Vectrex juste avant de nous rendre au collège. Un jour, totalement absorbés par notre partie, nous n’avons pas vu l’heure tourner et ce qui devait arriver arriva : Par le biais d’une excuse aussi pitoyable que bancale, nous intégrions notre salle de classe avec 20 bonnes minutes de retard sous les regards suspicieux de nos camarades. Si l’on peut penser que cette petite mésaventure aurait pu nous servir de leçon, il n’en fut rien puisque La Tortue sur VG5000 et Kick Off 2 The Final Whistle sur Amiga nous embarquèrent dans des situations identiques, à quelques années et classes d’intervalle près.
Prophecy I, The viking Child, c’était un peu le Wonderboy in Monster World que l’Amiga n’avait jamais eu. Le jeu tenait sur 3 disquettes respectivement baptisées A, B et C par les développeurs, ce qui était plutôt inusuel. Malgré une pratique régulière et intense, je ne parvenais jamais à aller au-delà de la disquette B. Je me surprenais alors à imaginer ce que pourrait bien receler cette troisième disquette. Un niveau encore plus spectaculaire ? Des graphismes d’une beauté à couper le souffle ? Le Cheat-code du magazine que je tenais à présent entre les mains allait de toute façon me permettre de le découvrir ! Grace aux vies infinies, je parcourais d’une traite ce qui me requérait d’habitude plusieurs heures de jeu pour enfin lire sur l’écran le tant attendu : « Please, Insert Disk C ». Mon excitation était à son comble… jusqu’à ce que le chargement interminable et erratique du lecteur me fasse comprendre que le média était en réalité défectueux. Dépité, j’ai abandonné pour ne retenter l’exercice sous émulation que 20 ans plus tard avec des dumps téléchargées au hasard d’un site internet. Et bien croyez-le ou non, mais le phénomène de disquette corrompue s’est reproduit à l’identique : je n’étais visiblement pas le seul à avoir des disquettes foireuses à l’époque !
Ce jour-là, j’avais quitté la maison d’Olivier avec un sacré paquet de disquettes 3 pouces gorgées de jeux fraichement copiés sous le bras. Discology avait rythmé nos petits méfaits de pirates en herbe durant une bonne partie de l’après-midi et il me tardait à présent d’essayer chaque jeu sur mon Amstrad CPC. J’en étais d’ailleurs tout excité à l’idée pendant que je m’installais devant le clavier, jusqu’à ce que j’insère la disquette de Turbo Cup dans mon lecteur... A peine s’étaient chargés les premiers octets du programme, que l’image d’un policier pointant un doigt inquisiteur dans ma direction et hurlant « Hey ! You ! You’re under arrest !! », s’affichait brutalement à l’écran ! L’efficace protection de Loriciels s’était jouée du célèbre logiciel de copie, effrayant par la même occasion l’enfant candide que j’étais alors. Par crainte de ne voir débarquer les gendarmes à ma porte, j’éteignais précipitamment ma machine et éclipsais à la hâte le fruit de mon délit dans le tiroir de la commode. Bon, l’inflexibilité des scrupules étant ce qu’elle est chez l’être humain, je rallumais le CPC dans le quart d’heure qui suivait pour tenter de bidouiller la disquette récalcitrante.
Quelle sensation exquise que celle de s’octroyer les pouvoirs d’un Dieu. Le célèbre Populous II, véritable référence du genre sur Amiga, permettait ainsi d’incarner une divinité grecque capable de commander aux éléments tout en ayant droit de vie ou de mort sur les peuples humains qu’elle gouvernait. J’avoue que déchainer les catastrophes naturelles sur les pauvres mortels pour les voir périr était un spectacle qui me poussait irrémédiablement à enchainer les parties avec une jouissance coupable. Du haut de ses 1000 niveaux, la durée de vie du jeu était proprement colossale. Mais malheureusement, au bout d’une centaine de tableaux, la difficulté croissante était devenue pour moi un obstacle frustrant qui me poussait jusqu’à envisager l’abandon définitif de sa pratique. Et puis c’est en posant le regard sur la feuille de papier sur laquelle j’avais inscrit les codes d’accès des niveaux que la révélation se fit. Leur génération répondait visiblement à un agencement de 6 lettres composé de séquences redondantes de 2 lettres. Une fois les séquences isolées, il ne me restait plus qu’à tenter de former de nouveaux codes en les mélangeant de façon aléatoire. De fil en aiguille, je trouvais ainsi de menues combinaisons me permettant d’atteindre quelques niveaux légèrement plus lointains... jusqu’au moment où je saisissais « WOITAB » le code qui allait, sans que je m’en doute un seul instant, me propulser directement au dernier niveau du jeu ! Ceci dit, la difficulté y était telle que je n’ai malgré ma tricherie, jamais pu en voir la fin.
Que celui qui n’a jamais piraté un jeu me jette le premier Joystick… A l’époque des micros 8/16 bits, cette pratique, certes peu glorieuse, était pourtant devenue si ordinaire et usuelle, que même les magazines spécialisés tels que Tilt et consorts voyaient régulièrement leurs pages noircies de petites annonces motivées par l’échange de « copies de sauvegarde ». Je me souviens de ce jour où mon frangin m’explique que le petit frère de son collègue de travail aimerait rentrer en contact avec moi pour échanger quelques jeux Amiga. Méticuleusement et précautionneusement alignées en rangs d’oignons dans le tiroir du secrétaire style Louis XV de ma chambre, mes copies se comptaient alors par centaines. Déjà en relation avec de nombreux autres contacts, j’accédais tout de même à la demande, par courtoisie. Le soir-même, la sonnerie du téléphone familial résonnait dans le couloir : un certain « Hervé » me proposait, pour le lendemain, une rencontre Place de l’Hôtel de Ville que j’acceptais. Cependant, un problème demeurait : comment se reconnaitre parmi la foule ? C’était sans compter sur les références « Jamesbondesques » de mon interlocuteur qui m’indiquait d’une voix solennelle et presque ténébreuse : « je serais vêtu de noir et je tiendrais discrètement une disquette entre les mains ». Au moment où je raccrochais le combiné, autant dire que je me faisais une idée plutôt sombre et clandestine de ce mystérieux personnage que j’imaginais déjà glissé dans un smoking noir, les poches recelant quelques microfilms subtilisés aux soviétiques, et m’attendant au volant d’une Aston Martin, prêt à repartir sous le vrombissement assourdissant du moteur de la sportive anglaise à la moindre alerte… Quelle ne fut pas ma surprise le jour « J », en découvrant un énergumène dont l’allure était en réalité située aux antipodes de ce que mon imagination m’avait suggéré la veille ! Regard mutin caché derrière les verres denses de lunettes trop grandes, la dégaine maladroite et incertaine, accentuée par la coupe confortable d’un survêtement informe (mais effectivement de couleur noire) : le sympathique gaillard manipulait avec gène et hésitation le support magnétique, tout en opérant des mouvements panoramiques de la tête qui lui permettaient de scruter l’horizon. Tandis que je m’approchais, je sentais la réserve et le malaise l’envahir. Mais dès la première phrase, l’appréhension se dissipa. L’après-midi fut alors placé sous le signe de la plaisanterie et de la bonne humeur. Par la suite, le joyeux luron, DJ de surcroît, allait même devenir l’un de mes meilleurs amis ! Lorsque j’y repense, je me dis que le seul lien avec James Bond dans cette histoire, était finalement situé dans la disquette que tenait Hervé ce jour-là : un exemplaire, fort à propos au demeurant, d’Operation Stealth.
La Haute-Loire est un véritable paradis pour quiconque apprécie la nature vierge et farouche. Ce jour-là, pourtant, les bulldozers s’étaient invités près de la petite maison de campagne que mes parents louaient pour l’été. A grands renforts de pelleteuses, les arbres centenaires tombaient un à un, dans un bruit assourdissant. Le soir venu, l’épaisse forêt que j’explorais jadis s’était transformée en un vaste champ de bataille dont les plaies béantes dévoilaient une terre encore fraiche et humide. Devant ce spectacle, j’étais alors moi-même déraciné. L’homme, dans toute sa splendeur dominatrice, venait de façonner le paysage à sa convenance afin d’y tracer les contours d’un terrain de golf. Au fil des jours qui suivirent, les travaux avançaient rapidement et la saison suffit pour les mener à terme. De mon côté, privé de cette partie de la campagne sauvage que je j’affectionnais tant, je m’étais reclus dans la chambre, devant le moniteur de mon Amiga 500. Et, comme par mimétisme, j’avais entrepris d’y reproduire à l’identique les 18 trous de l’envahisseur, grâce à l’éditeur de parcours de World Class Leader Board. C’est ainsi qu’à l’issue de l’été 1988, une disquette de sauvegarde « Extra Courses » offrant la possibilité de fouler de manière virtuelle le green du golf international qui s’était installé au Chambon sur Lignon, se voyait diffusée par les réseaux « underground ». Parfois je me laisse dire que, peut-être, a-t-elle bien malgré moi contribué à sa popularité…
Je me suis toujours refusé à l’achat de copies pirates, préférant réserver le peu d’argent de poche que j’économisais aux quelques rares originaux que ma convoitise ardente me poussait à acquérir par la voie légale. Cependant, je dois bien avouer que l’échange de disquettes constituait ma source principale et abondante d’approvisionnement de logiciels. A l’époque de mon Amstrad CPC6128, j’avais un ami, Olivier, qui, par je ne sais quel moyen - ou contact -, parvenait à récupérer une flopée de jeux récents chaque semaine. J’avais pour habitude de l’appeler une fois par mois afin de caller un rendez-vous entièrement dédié à Discology. Mais pour pratiquer l’échange, il faut avant tout avoir quelque chose à échanger, une nouveauté que l’autre n’a pas déjà… Et sur ce point-là, j’éprouvais parfois une certaine carence. Alors pour attiser l’intérêt de ce fameux copain, je les élaborais moi-même, en saisissant à la sueur de mes doigts les interminables listings qui fleurissaient dans les magazines de la presse spécialisées. J’allais même jusqu’à dessiner des écrans d’introduction sur OCP Art Studio pour que la supercherie passe totalement inaperçue. Et cela fonctionnait ! Je me souviens plus particulièrement de Dark Power, un shoot’em up paru sous forme d’un listing de 11 pages dans le Micro Mag HS n° 2 d’Août 1989, et pour lequel j’avais construit une image de présentation à partir de celle de Cybernoid 2. J’avais tellement bien vendu l’affaire au téléphone, en vantant outre mesure autant ses qualités que sa rareté, que j’avais réussi à décrocher une entrevue dans la semaine. Je n’ai jamais su si mon pote était conscient de ma petite imposture ponctuelle. Il faut dire que sa gentillesse était telle qu’il n’aurait, j’en suis persuadé, rien dit de toute manière.
Eric Cubizolle (TITAN)